Après m'être occupé de Loud Sides, je décidais de me rendre au Refuge. J'avais appris par le bouche à oreille qu'il venait d'ouvrir, mais qu'il y avait déjà des chevaux là-bas. Et c'était vrai. Quand j'arrivais, je vis plusieurs têtes dépasser des boxes, mais j'aperçus aussi quelques croupes. Je me baladais donc dans les allées, observant rapidement chaque cheval. Il y en avait de toutes sortes. Des Thoroughbreds, en bien moins bon état que les champions des hippodromes, des chevaux de sport, des poneys, des paint horse. Il y avait aussi quelques cavaliers, qui s'occupaient de certains chevaux. Je souris. Ils donnaient bénévolement de leur temps pour aider ces chevaux, et je comptais bien faire de même. Simplement, je ne savais quel cheval aider. Un cheval dépressif a besoin d'un temps d'adaptation pour commencer, et donc de n'être soigné que par un seul cavalier. Du moins c'était mon avis. Continuant mon chemin, je me dirigeais vers une partie du refuge où il n'y avait personne. Et, en passant devant un box, je jetais un petit coup d'oeil, et ne pu m'empêcher de m'arrêter. Dedans s'y trouvait une jument noire, couchée, les oreilles en arrière, mais pas complètement plaquées sur le crâne. Voiceless Reality, indiquait la pancarte sur son box. Il se faisait tard, aussi je ne fis rien, et restais accoudée à la porte quelques minutes, mais je me promis de revenir le lendemain pour commencer à m'occuper d'elle

J'étais tout près d'elle désormais. Tout en lui tendant un autre morceau de carotte, je franchit les derniers centimètres qui nous séparaient, et vînt me mettre près de sa tête, où je m'assis en tailleurs, pas très prudent, mais j'avais confiance en elle. A partir de là, je posais doucement ma main sur son encolure, et commençais à la caresser tout doucement, en parlant à voix basse, presque un murmure. Petit à petit, sa lèvre inférieure commençait à se détendre, et elle avait les yeux mi-clos, signe qu'elle était bien. Je continuais de la grattouiller, pendant une bonne vingtaine de minute. J'étais bien aussi, là, au calme. Et puis, tout d'un coup, elle se laissa tomber, et se rallongea entièrement, le bout de son nez sur mon genou, les yeux fermés, la respiration tranquille. Je voyais ses flancs se soulever régulièrement, calmement. Presque en même temps que les miens. J'attendis encore un peu, puis après une dernière caresse, je repoussais doucement sa tête, et me levait doucement. Elle ouvrit les yeux, commença à se relever, puis se rallongea. Après quelques petits mots murmurés, je sortis doucement du box, refermais la porte, et m'en allais, le sourire aux lèvres. Adorable, elle était vraiment adorable.

J'avais vraiment hâte de retrouver Voiceless Reality quand j'arrivais au Refuge ce jour-là. Cette belle jument noire m'avait conquisz. Je ne savais pas trop pour quoi, d'ailleurs. Mes chevaux aussi m'avaient conquis, sans quoi je ne les aurais pas. Mais elle, c'était différent. Peut-être parce qu'elle n'avait personne, alors qu'elle semblait avoir un cœur gros comme ça. Parce qu'elle semblait gentille, confiante, et prête à faire ce qu'on attendait d'elle. Mais peut-être n'était-ce qu'une façade, après tout. Je n'en savais trop rien, je n'avais passé que quelques heures avec elle. Mais ces quelques heures m'avaient profondément bouleversée. C'est donc avec hâte que je me dirigeais vers son box, avec des carottes dans la poche, et un licol dans la main. Je voulais essayer de la sortir, aujourd'hui, parce que je me doutais que des sorties, elle n'en avait pas aussi souvent qu'il aurait fallut, non par négligence du Refuge, mais par manque de temps. Peut-être aussi que son ancien propriétaire ne lui en faisait pas faire beaucoup, privilégiant le travail. Mais les sorties, c'était à mes yeux quelque chose de très important. D'une, parce qu'elle permettait d'instaurer une relation de confiance de manière différente, de deux parce qu'elle permettait au cheval de s'aérer, et trois parce qu'elle le détendait, et le rendait donc plus apte à travailler par la suite. Une sortie n'était donc, à mes yeux, pas une perte de temps, mais un réel atout dans le travail.
Aussi, quand j'approchais du box, j'espérais pouvoir faire sortir un peu Voiceless Reality. Cependant, je commençais par poser le licol par terre, et déverrouillais doucement la porte. Cette fois, la belle jument noire n'était pas couchée, mais debout, et elle semblait m'avoir entendu. Cependant, bien qu'elle était curieuse, je voyais bien qu'elle hésitait quand même à s'approcher. Alors, je sortis une carotte de ma poche, la cassais en deux, puis en tendis un bout au cheval :

- Salut ma Belle. Viens, n'aie pas peur.

Elle finit par sortir du box, mais à peine eut-elle fait quelques pas dehors qu'elle plaqua ses oreilles en arrière, et se mit à souffler. Elle dansait sur place, tirait sur la longe, et faisait de petits sauts de mouton. J'essayais de la calmer, mais préférant ne pas la paniquer plus, je la refit rentrer dans son box. Elle n'avait passé que quelques minutes dehors, mais était déjà transpirante et soufflante. Je refermais la porte du box, et lui retirais son licol. Aussitôt, elle recula, et alla se mettre dans un coin du box. Alors je m'assis par terre, dans la paille, et j'attendis. Je ne bougeais pas. Je voyais bien que Voiceless Reality m'observais discrètement, mais je ne tentais rien. Au fur et à mesure, elle cessa de paniquer, et commença à se calmer. A ce moment là seulement, je l'appelais doucement :

- Viens Voiceless.

Après un temps d'hésitation, elle s'approcha, petit pas par petit pas, et après quelques minutes, elle fut de nouveau près de Moi. Alors je la caressais, et lui tendit un bout de carotte. Elle la happa délicatement, et la mâchouilla tranquillement. Je me relevais doucement, et comme je vis qu'elle relevais la tête, un peu nerveuse, je lui retendis un morceau de carotte. Elle la happa un peu plus sûrement, et tandis qu'elle la mangeait, je plaçais mes mains de chaque côté de son encolure, au sommet, près de la nuque, et commençais un léger massage circulaire, régulier et doux. D'abord un peu apeurée, elle finit par se détendre, et cessa de bouger. Je continuais donc, en descendant légèrement. Je fis ainsi plusieurs aller retour. Au fur et à mesure, sa tête descendait vers le sol, ses yeux se fermaient, et je voyais sa lèvre inférieure totalement relâchée. Sure qu'elle était maintenant totalement détendue, je lui fit une dernière caresse, et quittais le box. J'étais un peu déçue de n'avoir pu la faire sortir, mais la perspective d'arriver à gagner sa confiance pour finir par le faire sortir dehors me plaisait. Cela me fixait un premier objectif, et j'avais hâte de l'atteindre pour continuer. Il me faudrait réfléchir au façon d'atteindre ce but, par des moyens détournés. Cela me prendrait du temps, et me demanderait de la patience, mais j'étais heureuse de faire cela, pour Voiceless Reality, mais aussi pour moi, parce que chaque cheval est unique, comme chaque expérience l'est aussi, et que celle-ci promettait d'être formidable.

Ayant enfin finit de m'occuper des mes chevaux pour aujourd'hui, je me rendis au refuge, comme tous les jours depuis quelques temps. C'était un peu une bulle, une pause. Plus d'entraînement à gérer, de finances, de problèmes. Juste celui d'arriver à rétablir un lien, à redonner envie à un cheval d'être avec l'homme, quand celui-ci lui a déjà tout pris. Moi-même, je ne suis pas sure que je serais capable de refaire confiance à quelqu'un qui m'a fait du mal. Mais c'est là une des plus grande qualité du cheval. Il n'est pas rancunier, quand on sait s'y prendre. De la douceur, et beaucoup, beaucoup de patience. Mais cela ne m'effrayait pas. Pas du tout.
Arrivée devant le box de Voiceless Reality, j'eus la surprise de la voir sortir la tête dès qu'elle m'aperçut. Cela me fit chaud au cœur. Elle voulait bien me voir, et cela lui faisait plaisir, apparemment, puisqu’elle venait d'elle-même. M'approchant d'elle, je lui grattouillais le chanfrein :

- Salut Toi.

La veille au soir, sur le chemin du soir, j'avais bien réfléchit. Voiceles Reality se crispait dès qu'elle avait un licol, et encore plus quand elle sortait, sans doute parce qu'elle associait la sorti à un travail, ou quelque chose de désagréable, voir même de douloureux. Il fallait qu'elle cesse de faire ça, et qu'elle associe la sortie à quelque chose de plaisant, pas forcément d'être monté, une séance de pansage, de broutage, de papouille, ce genre de chose. Alors, aujourd'hui, je voulais qu'elle cesse de se crisper avec le licol, pour commencer.

J'entrais donc dans son box. Timidement, elle me donna un petit coup de museau, l'air d'attendre quelque chose. Je ris :

- Tu ne serais pas un peu gourmande, toi, par hasard ?

Elle était vraiment adorable, comme ça, les oreilles pointés en avant, l'air d'attendre quelque chose de ma part. Cependant, bien que cela me fasse rire, je ne voulais pas qu'elle commence à réclamer, aussi, j'allais déposer le morceau de carotte dans sa mangeoire. Et je l'obligeais à attendre un peu, ou du moins, à ne pas se précipiter. Je venais à peine de le poser qu'elle plongea sa tête dans la mangeoire. Gentiment, mais fermement, je la repoussais, et lui déclarait d'un ton ferme :

- Attend.

Comme si elle avait compris, elle resta immobile. Alors, je désignais la mangeoire, et l'autorisais à y aller d'un ton différent de celui que j'avais utilisé pour le faire attendre, qu'elle assimile bien la chose. Une fois cela fait, j'attrapais le licol, et lui montrait. Aussitôt, elle redressa la tête, et coucha les oreilles. Alors, je m'approchais d'elle, et commençais à poser le licol sur son garrot. Elle commença par se déplacer sur le côté, alors je me déplaçais aussi, en gardant bien le licol contre elle. Elle finit par comprendre que cela ne lui faisait rien, alors elle cessa de bouger, même si elle restait sur ses gardes. Je commençais par lui passer sur les épaules et le garrot, puis la croupe, les membres, en faisant bien attention qu'elle ne se prenne pas les pieds dedans - j'avais détaché la longe auparavant -. Petit à petit, elle se détendit, et attendit, patiente, sans broncher. Je la félicitais donc. Puis, j'approchais doucement le licol de sa tête, et le posais sur son encolure. Elle commença par lever la tête. Je lui parlais donc, la rassurant. Quand elle fut de nouveau détendu, je commençais à faire des va et viens le long de son encolure. Quand je fus sure qu'elle n'en avait plus peur, je le reposais par terre. Puis, après une dernière caresse, je lui donnais un bout de carotte, et quittais le box.